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Bientôt on comptera des dizaines de millions de paysans sans terre en Afrique subsaharienne

Numéros de page :
15 p. / p. 93-107
Depuis qu'elle a lancé en Afrique subsaharienne la vaste entreprise dite de « sécurisation des terres » au début des années 1990, la Banque mondiale tente de substituer le droit universel de propriété individuelle de la terre à la gestion collective des parcelles paysannes, profondément inscrite dans la culture et dans les faits depuis des siècles. Bien plus qu'une simple mutation des droits, et sous couvert de parfaite légalité, ce processus va entraîner une véritable révolution agraire, mais dans le mauvais sens du terme : les petits paysans africains vont vendre leurs champs peu compétitifs aux grands groupes agro-industriels (accaparement ou land grabbing) et se retrouver sans terre, comme en Amérique latine. Ainsi des dizaines de millions de migrants intérieurs iront grossir les bidonvilles des grandes agglomérations urbaines, accroissant l'insécurité alimentaire, sanitaire et sociale dans des pays déjà très instables. Tant que le modèle économique des grandes plantations à haute productivité n'inclura pas dans la réalité des prix de revient le coût de cette insécurité sociale, et en attendant une réponse socioéconomique globalement pertinente, les campagnes africaines, démographiquement très chargées, risquent de devenir des territoires explosifs.