Noël Arnaud (1919-2003) était un personnage haut en couleur, rabelaisien de haut vol, accueillant et fraternel, capable de bonne ou de mauvaise foi de coups de gueule fracassants. D'un esprit critique extraordinairement incisif, il a promené ses guêtres chercheuses à travers bon nombre de sentiers et de parcours artistiques contemporains, avec un rétroviseur formidablement bien réglé vers les aventures antérieures. Cela l'a mené, notamment, vers le décadisme, le symbolisme, Dada, le surréalisme, le surréalisme révolutionnaire (avec La main à plume des années de guerre), Cobra, l'Internationale Situationniste, les farces et attrapes, le Collège de 'Pataphysique et l'Oulipo. Il en sortit des ouvrages et des travaux fondamentaux sur Alfred Jarry, Boris Vian, La langue verte et la cuite, Dubuffet, Queneau et cent articles de même teneur sur des créateurs de toutes ces mouvances. Tout ceci est la partie émergée de cet iceberg surchauffé, ce par quoi le «public» a parfois retenu son nom, distraitement, tant il se trouvait masqué par les sujets de ses travaux. Mais son oeuvre personnelle, celle qui ne doit qu'à lui, est restée sous le boisseau. Elle nous parle pourtant, avec virulence, du temps qui fut le sien, nous montre le vécu, les espoirs, les déceptions, le constat de dérision de générations dont les vingt ans furent torpillés par la guerre, générations qui opposèrent à cette dérision une autre dérision, sensée celle-là, avec la défense et la promotion d'actions artistiques spectaculaires ou clandestines, occultes ou provocatrices, bâtissant en marge le seul discours cohérent alors possible. Après un «roman» publié en 1987, Plein Chant donne donc aujourd'hui l'ensemble des poèmes de Noël Arnaud, cailloux parfois bien pointus sur trente années (1935-1964) du cheminement ci-dessus décrit.