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Assistance et santé publique dans la construction de l'Etat moderne

Numéros de page :
31 p. / p. 67-97
Au cours des trois dernières décennies, nos connaissances sur la genèse de l'Etat moderne ont progressé, couvrant de nouvelles aires géographiques et développant de nouvelles thématiques - dont les dimensions idéologiques des cérémonies auliques et d'autres éléments culturels et symboliques. Centré sur le Portugal, cet article vise à considérer l'assistance aux pauvres et la santé publique comme des secteurs importants pour l'affirmation politique, la consolidation et la mise en oeuvre du pouvoir royal. Fondé sur une recherche empirique approfondie, il démontre que la Couronne portugaise a été en mesure, au XVIe siècle, d'édicter et de faire appliquer des politiques et des normes homogènes et centralisées en matière d'assistance aux pauvres et de santé publique, au service de ses objectifs sociaux et politiques. L'article examine notamment la mise en place de deux réseaux à l'échelle nationale : celui des confréries royales de la Misericordia auxquelles la Couronne accorda un quasi-monopole sur les structures d'assistance aux pauvres, dont l'administration des hôpitaux ; et un autre, formé de docteurs, d'apothicaires et de chirurgiens employés par le gouvernement central au service des pauvres. Ensemble, les confréries et le « réseau médical » donnèrent à la Couronne la possibilité d'intervenir dans la vie quotidienne des communautés, augmentant ainsi sa capacité à mobiliser les élites locales afin qu'elles s'impliquent dans les initiatives royales. La structuration et la mise en application progressives du « système » portugais d'assistance aux nécessiteux et de santé publique ne reflètent pas seulement un mode spécifique d'exercice du pouvoir souverain ; elles illustrent également une instrumentalisation délibérée de ce système au service de la formation de l'Etat.