L'Indice de la franchise: politique économique, concurrence des ports francs et condition des Juifs en Méditerranée à l'époque moderne
Bulletin : Revue historique 686 - avril 2018
01 avril 2018
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Numéros de page :
46 p. / p. 275-320
Cet article comparatif s'intéresse aux conditions socio-juridiques et institutionnelles d'accueil et de résidence des Juifs dans plusieurs villes portuaires de Méditerranée à l'époque moderne. Centré tout d'abord sur le port toscan de Livourne, il analyse la nature et le contenu des privilèges octroyés à la fin du XVIe siècle aux marchands juifs et aux anciens crypto-juifs. Leur négociation permet de revenir sur les justifications politico-économiques, fondées sur la raison d'Etat et l'affirmation de la souveraineté du Prince, qui légitiment l'accueil des Sépharades dans le port toscan. Les édits livournais des années 1590 sont ensuite rapportés plus largement au "mercantilisme philosémite" du XVIe siècle, et à la compétition des places portuaires méditerranéennes, de Nice/Villefranche à Ancône et de Venise à Livourne. On souligne ici la précarité des règlements en faveur des Juifs, mais aussi le lien opéré entre la croissance du négoce et l'invitation des Juifs à venir s'installer dans les places portuaires. Le caractère tâtonnant des politiques en la matière devient toutefois un bon indicateur de l'instabilité des environnements institutionnels dédiés aux marchands. Une troisième partie est enfin consacrée à la compétition des "ports francs", à travers la mise en regard des conditions d'accueil fluctuantes des Juifs à Nice/ Villefranche, Gênes et Marseille au XVIIe siècle. Cette comparaison permet de montrer que la présence juive, soumise à de nombreux revirements politiques, est moins un ingrédient nécessaire du port franc qu'un révélateur efficace de son environnement institutionnel, plus ou moins favorable et ouvert aux commerçants étrangers.