Les Minorités confessionnelles dans l'armée au XVIIIe siècle : l'invention d'une tolérance militaire ?
Bulletin : Revue historique 701
01 janvier 2022
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pp.69-113
Malgré la révocation de l’édit de Nantes en 1685, l’armée royale continue au XVIIIe siècle d’accueillir nombre de réformés français. Parfois réprimés, ils sont le plus souvent acceptés aussi longtemps qu’ils ne suscitent pas de scandale. Les besoins en hommes sont criants et l’armée, pragmatique, se révèle peu soucieuse de l’orthodoxie religieuse de ses recrues. Elle reste un refuge pour les huguenots. En outre, la tradition pluriséculaire du recours aux mercenaires venus de toute l’Europe impose la tolérance dans les régiments étrangers au service du roi. Les capitulations signées garantissent aux soldats étrangers la liberté de conscience et de culte, même si ces privilèges religieux sont étroitement encadrés. Les protestants suisses, allemands, suédois, anglais, danois, écossais ou hongrois servent par milliers dans les troupes royales, acceptés aussi longtemps que leurs pratiques religieuses demeurent discrètes. S’invente ainsi dans les troupes une forme originale de coexistence religieuse. Mêlant méfiance, surveillance et accommodements, cette tolérance militaire, malgré ses limites, offre aux non-catholiques qui s’acquittent de l’impôt du sang la possibilité inédite d’acquérir charges, honneurs et gratifications, interdits à leurs coreligionnaires civils. Le service armé du prince contribue ainsi à l’inclusion des minorités confessionnelles au coeur de l’Etat royal dans un royaume réputé catholique.