Nouvelle venue dans la cour des grands, l'Indonésie fait face à d'immenses défis. Barthélémy Courmont en dresse le bilan et interroge les perspectives d'évolution politique du pays à un tournant de son histoire.

Le maire chrétien de Jakarta est accusé de blasphème par des musulmans radicaux, dont beaucoup d'électrons libres de la politique. Les partis religieux traditionnels sont dépassés.

Les exactions des extrémistes religieux et des séparatistes régionalistes posent une question cruciale pour l'avenir de l'Indonésie : une nation aussi étendue et morcelée pourra-t-elle maintenir longtemps sa cohésion politique.

La fille du héros national de l'Indonésie arrive au pouvoir avec le soutien de ceux-là mêmes qu'elle a combattus et qui avaient renversé son père en 1965 : le parti de l'ancien dictateur, l'armée et les milieux d'affaires.

L'opposition, conduite par Megawati Sukarnoputri, fille de l'ancien président Sukarno, l'emporte sur le Golkar, le parti de Suharto, qui dirigeait le pays depuis trente-deux ans.

Le dictateur Suharto s'est effacé en faveur d'un dauphin qu'il a lui-même choisi, qui est surveillé de près par un général ambitieux et de loin par les chefs de deux puissantes organisations musulmanes...

Tandis que le sort du dictateur semble scellé, les partis politiques et les organisations civiles préparent dans la fièvre la transition démocratique...

Avant il y avait le père, président depuis trente ans, qui a mis le pays en coupe réglée. Les enfants ont pris le relais : la "première famille" contrôle près de la moitié du PNB de ce pays de 202 millions d'habitants, qu'elle a conduit à la ruine. Et elle ne veut pas céder au FMI.

Après trente-deux ans d'"ordre nouveau", le miracle économique indonésien s'essouffle, la corruption triomphe et les émeutes se multiplient dans le plus grand pays musulman du monde...

Malgré les élections législatives de juin 1999, le refus par l'armée de respecter les résultats du référendum sur le Timor oriental montre que le processus de démocratisation de l'Indonésie est plus chaotique que ne l'espérait la communauté internationale. L'héritage de la période de l'Ordre Nouveau sera difficile à surmonter, comme le montre la militarisation du régime.

Cinquante ans après le massacre par l'armée indonésienne de centaines de milliers de citoyens communistes ou soupçonnés de l'être, les survivants et leurs familles luttent pour obtenir justice. A ce jour, aucun des responsables de cette campagne de terreur n'a été jugé. Et le gouvernement du président Joko Widodo, arrivé au pouvoir en octobre 2014, hésite à ouvrir de véritables enquêtes.