Amoureux de l'oeuvre de Robert Walser, ces ″Lettres de 1897 à 1949″ vous dévoileront la vie de ce Suisse solitaire avant qu'il ne bascule dans le silence. Apparaît un désir désespéré d'appartenir au monde charnel.

Le metteur en scène Guillaume Delaveau crée "Ainsi se laissa-t-il vivre", un spectacle adapté de plusieurs textes de l'écrivain suisse-allemand Robert Walser (1878-1956). Vie et destin d'un poète libre et rebelle qui passa les dernières années de sa vie dans une clinique psychiatrique.

L'oeuvre de l'écrivain suisse de langue allemande Robert Walser (1878-1956) offre une expérience de lecture singulière, unique. A chaque nouveau livre traduit - et les éditions genevoises Zoé accomplissent en ce domaine un très remarquable travail - cette singularité se creuse, s'approfondit. Jusqu'au vertige. Un vertige qui n'est pas suscité par le merveilleux ou l'étrange, mais qui naît, pour ainsi dire, de l'ordinaire et de la banalité des situations décrites et données pour vécues, notamment, d'une manière privilégiée, dans les textes courts.

Par ses textes, le silence de son internement, sa mort même, l'écrivain suisse incarne l'effacement de soi. On peine à l'imaginer s'exposant dans la presse : il y fut pourtant chroniqueur de 1907 à 1933. Pas d'éditoriaux, peu d'actualité, mais l'utopie d'un journalisme ténu et volatil.

Entre 1907 et 1909, Walser publie trois romans : "Les enfants Tanner", "Le commis" (aussi traduit à l'Age d'Homme par Walter Weideli sous le titre "L'homme à tout faire") et "L'institut Benjamenta" (les trois disponibles chez Gallimard).

C'est à une expérience radicale de la vie et de l'écriture que nous invite ici Robert Walser, bien avant ses écrits "micrographiques" déchiffrés récemment et sur lesquels se fonde la légende d'un écrivain seulement préocupé de littérature, alors que la question de la liberté est au centre de son oeuvre.

Avant son internement en 1929, en marge de romans comme "Les Enfants Tanner" ou "Le Commis", l'écrivain suisse donna d'innombrables histoires, contes ou fables aux journaux, dont ces admirables "Rédactions de Fritz Kocher".

Kafka et Musil admiraient cet écrivain majeur, qui a passé l'essentiel de sa vie derrière les murs d'un asile.

En 1929 - il a alors cinquante et un ans - Robert Walser, fortement incité à se faire interner par sa soeur, qui l'accompagne, franchit en hésitant la porte de l'asile psychiatrique de Waldau, près de Berne, où l'un de ses frères, Ernst est mort interné en 1916 (un autre aîné, Hermann, professeur d'Université, s'est suicidé en 1919).