"Ce qui me touche le plus quand je reviens à Paris, ce sont les nuages", me confiait une amie, installée aux États-Unis. Il faut en être privé par des ciels uniformément bleus pour s'apercevoir de leur importance. Les inquiétudes sur le climat rendent également sensible à ces nuées, porteuses de pluie bienfaisante ou de pollution. Le cycle de l'eau et les rythmes de la pluie intéressent les astronomes et les climatologues, ils organisent la vie matérielle, économique des hommes, mais également notre vie intérieure.

"Si désirez être bons pantagruelistes (c'est-à-dire vivre en paix, joie, santé, faisant toujours grande chère), ne vous fiez jamais en gens qui regardent par un pertuis." Les dernières lignes de Pantagruel invitent à la tolérance et au refus de la suspicion générale. Le roman commençait par la naissance du héros et la mort de sa mère en couches. Le père hésitait entre rire et pleurer, et la vie l'emportait. Au siècle suivant, Molière recommandait dans "Monsieur de Pourceaugnac" : «Ne songeons qu'à nous réjouir.

"Tout finit en Sorbonne. Tout se décompose en thèses." Le soupir que note Paul Valéry dans ses "Cahiers" en 1925 ou 1926 dit assez le peu d'estime dans lequel il tient l'exercice académique. Aux poètes et aux romanciers l'invention, l'ouverture de perspectives neuves; aux thèses et autres travaux sorbonicoles l' accumulation et le rangement laborieux. Les uns créent, les autres mettent en fiches. Le sarcasme des écrivains à l'encontre de l'Université n'est pas nouveau.

Michel Murat consacre "le Romanesque des lettres" au tête-à-tête de la littérature et du réel, à ce jeu de bonneteau où les grands écrivains nous étourdissent et nous ravissent à perdre la vérité entre les trois gobelets qui virevoltent entre leurs mains. On a parfois voulu réduire la littérature à une mécanique et son enseignement à quelques techniques au nom plus ou moins savant, c'était compter sans le romanesque, sans le plaisir des histoires qui entraînent leurs lecteurs, sans la liberté des romanciers à larguer les amarres de la réalité pour des aventures au long cours.

Dès l'annonce de sa mort, le conseil municipal de Paris décida de lui consacrer une rue. On attendit qu'une voie nouvelle soit ouverte dans le quartier qui avait toujours été le sien. Ce fut le cas en 1912, entre le boulevard Raspail et la rue d'Assas. J'ai eu la curiosité d'aller revoir cette courte rue Huysmans : ses immeubles cossus et ventrus, tous du même style, auraient sans doute exercé la verve de l'écrivain.