Au fil du temps, le souvenir du virtuose génial que fut Eugène Ysae (Liège, 1858 -Bruxelles, 1931) a fini par supplanter dans la mémoire collective sa qualité de compositeur. Il convient cependant de rappeler qu'Eugène Ysae a créé, au travers de ses poèmes pour instruments à cordes, un genre foncièrement nouveau et original, se distinguant par une science de l'écriture et une richesse harmonique éloignées des mérites purement virtuoses de ses compositions du début. Aussi, ces poèmes valent-ils vraiment la peine d'être redécouverts. Le chef français Jean-Jacques Kantorow, très grand connaisseur d'Ysae, dirige ici l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège et les solistes dans des oeuvres pour violon et orchestre, pour violoncelle et orchestre, pour deux violons et orchestre et pour quatuor à cordes et orchestre.

En exil à Londres durant la Première Guerre mondiale, Joseph Jongen (Liège, 1873 - Sart-lez-Spa, 1953) y compose de nombreuses oeuvres. Le présent disque réunit certaines de ses pièces pour orchestre, dont les maîtres s'appellent Franck, Wagner, Debussy ou Ravel. Ses oeuvres symphoniques de la Grande Guerre s'imposent comme les derniers vestiges d'un monde dans lequel le langage du romantisme tardif laissait encore une empreinte rassurante.

En 2016, Sarah Defrise redécouvre plus de vingt mélodies inédites de Joseph Jongen (1873-1953), certaines conservées dans des cahiers intimes du compositeur. Une telle découverte est un événement important dans le paysage musical belge. La jeune soprano nous offre ainsi le premier enregistrement intégral des mélodies, dont ce disque constitue le premier volume. Musique en Wallonie a choisi de mettre en regard les oeuvres de jeunesse et de maturité du compositeur. Ce disque présente donc un cycle inédit sur des poèmes d'Armand Silvestre (1892), le célèbre cycle de l'op. 25 (1902) dont la première mélodie manquait jusqu'à aujourd'hui, et une sélection de mélodies plus tardives (1909-1928). L'art sensible et subtil de Jongen est porté par l'interprétation intelligente et lumineuse du duo que Sarah forme avec le pianiste anglais Craig White. (Electre)

La collection « historiques » de musique en wallonie met à lhonneur le violoniste verviétois alfred dubois. En tant que soliste, dubois a joué sous la direction de chefs aussi prestigieux que michaël bowles, charles munch, rhené-baton, nino sanzogno, hermann scherchen ou felix weingartner. Soulignons son énergie à défendre brahms, non seulement son concerto et son double concerto, mais aussi sa musique de chambre. Soulignons également son dévouement à la musique contemporaine (Pierné, ravel, milhaud, lattuada, respighi, szymanowski...) et belge en particulier (Buffin, quinet, vreuls, poot, léon et joseph jongen qui lui a dédié sa sonate pour violon et violoncelle...), un dévouement auquel la présente intégrale de ses enregistrements de musique belge ne rend que partiellement justice. Le jeu de dubois sinscrit dans le monde interprétatif de son temps par des gestes violonistiques quil intègre néanmoins dans son style toujours précis et élégant. Nest-ce pas précisément cette approche « retenue » - parfois critiquée par la presse du temps -, qui lui a paradoxalement assuré un succès discographique supérieur à celui de certains contemporains ? en effet, les contraintes alors imposées par la technique denregistrement ont pu obérer, chez certains violonistes, leur spontanéité en concert. Pour une oreille daujourdhui, le style de dubois est loin de paraître froid ou inexpressif. Sa manière cohérente dintroduire la souplesse du xixe siècle dans le cadre dune lecture délicate et subtile des partitions, peut même constituer une belle source dinspiration pour les violonistes du début du xxie siècle.

Èdouard Lassen n'a jamais cessé de composer. Son abondante production illustre toutes les formes musicales de la seconde moitié du XIXe siècle, depuis les pièces pour piano jusqu'aux ouvres lyriques, chorales, symphoniques ou concertantes. Ce qui a assuré sa reconnaissance internationale, ce sont, d'une part, ses musiques de scène et, d'autre part, ses plus de 260 lieder dont la composition s'étend de manière ininterrompue et régulière de 1857 à sa mort en 1904. Cette forme brève s'adaptait idéalement à son tempérament empreint d'universalisme, assumant un héritage culturel duplice. La séduction immédiate des lieder de Lassen repose sur l'alliance d'une prosodie allemande parfaite avec une ampleur mélodique venue de la tradition française, l'une faisant valoir les talents dramatiques et de diseur de leur interprète, l'autre la beauté de leur voix comme leur musicalité. C'est avec maitrise que Reinoud Van Mechelen, accompagné du pianiste Anthony Romaniuk, ranime le souffle de ses mélodies aujourd'hui injustement oubliées mêlant l'intime et la profondeur de la sensation.