L'auteur de Je m'en vais brosse en soixante pages un portrait émouvant et très personnel de son éditeur. Pris entre les larmes et le rire, il raconte leur première rencontre, puis toutes celles qui ont suivi au cours de leur vingt années de collaboration. Il dessine sans la moindre complaisance, et pourtant avec tendresse, un personnage tout en contraste, un volubile aux silences accablants, capable d'être aussi amical que glaçant, aussi proche que distant. “ Monsieur Lindon est un homme mince et de haute taille, de morphologie sèche, au long visage austère mais souriant, quoique pas toujours si souriant que ça, au regard aigu, bref un homme très intimidant. ”, écrit-il. On se souvient aussi longtemps, une fois le livre refermé, du terrible : “ Vous ne faites plus partie des Éditions de Minuit ”, assené du bout des lèvres à un Echenoz transi de timidité après la remise de son deuxième manuscrit.. Christine Ferrand (Livres Hebdo, octobre 2001)

Depuis le Nouveau Roman, les récits publiés aux Éditions de Minuit sont décrits comme des productions homogènes au style exigeant : Minuit serait une maison de haute littérature. Cet essai propose une archéologie de l'idée d'un style Minuit, telle qu'elle a été initiée par l'éditeur historique, Jérôme Lindon, et reconduite par la critique littéraire comme un stéréotype structurant le champ littéraire et la création. Cependant, mise à l'épreuve d'une lecture stylistique de Beckett et Monique Wittig notamment, la mythologie d'un style Minuit doit être remise en question ; des entretiens avec É. Chevillard, É. Laurrent et L. Mauvignier confirment les singularités de chaque pratique d'écriture. Cet essai, qui emprunte ses outils d'analyse à l'ensemble des sciences humaines, veut contribuer à la démythification, voire à la démystification du style Minuit, aujourd'hui encore appréhendé comme le comble de la qualité littéraire française.