T'as 17 ans. Les Allemands qui ont pourri ton adolescence sont enfin partis. Tu te retrouves dans un minuscule taudis avec un père macaroni, cimentier, perdu dans ses rêves d'alcoolo. Toi, tu veux devenir un grand peintre très riche et surtout très célèbre. Alors commence un foutu apprentissage. T'as charrié des jambons de marché noir, te voilà trafiquant des faux manuscrits de Paul Éluard avec qui tu bois des coups à Montparnasse. Tu joues dans un film perdu d'Alain Resnais. Tu prends le thé chez Michèle Morgan. T'es "groupie" d'André Breton. Tu bosses, comme un certain François Mitterrand, pour le milliardaire Schoeller. Tu copines avec Hergé, Goscinny, Jacques Brel. Tu te fais bombarder avec des œufs par Dali. Tu joues aux boules avec Marcel Aymé. Tu flirtes en direct à la télé avec Barbara. Tu hantes les boîtes de pédés de Barcelone avec Copi... Et à quarante ans, enfin, t'as ta gueule dans Match. Mais t'es toujours pas peintre. Et t'as toujours rien compris à cette drôle de randonnée qu'est la vie. T'as pas mal rigolé. T'en as beaucoup beaucoup bavé. Mais, comme disait le vieux Henry Miller: "Toujours vif et joyeux!".

Une des figures du Paris mondain des années 1920, l'actrice Pauline Benda (1877-1985), dite Madame Simone. Elle fut aussi écrivain, critique littéraire, jurée du prix Femina et côtoya Guitry, Courteline, Péguy, Cocteau, Proust, Blum, Poincaré, Sarah Bernhardt, etc.

Marcel Pagnol a composé de nombreuses préfaces pour ses pièces de théâtre. Il les appelait des >. Ce sont bien plus que des confidences, et bien mieux que des préfaces : ce sont dix années de sa vie, ce sont des souvenirs, de nouveaux souvenirs, aussi brillants, aussi vifs, aussi gais, aussi émouvants que ses inoubliables Souvenirs d'enfance. Après Le Temps des Secrets et Le Temps des Amours, voici donc un livre qui pourrait être intitulé Le Temps du Spectacle. En 1922, Pagnol n'a pas trente ans. Il découvre Paris, qui est encore la Ville-Lumière. Il découvre le succès. Il découvre des artistes - comédiens, musiciens, écrivains, metteurs en scène - qui vont devenir ses amis, qui sont jeunes comme lui, inconnus comme lui, et qui comme lui partent à la conquête du public et de la gloire. Des personnages, des anecdotes, des comédies et des romans, bref des histoires, ce livre en est plein, comme en avait été pleine son existence. Marcel Pagnol les aimait, il ne se lassait pas de les raconter. En les lisant, nous avons l'impression d'assister au dernier et au plus grand de ses films. Celui qu'il n'a pas tourné, mais que, pour notre bonheur, il a écrit : le film de sa vie.