D'abord, il semble être question d'une quête puisque l'histoire commence avec un petit groupe d'aventuriers en route vers l'inconnu. Mais il s'agit d'une expédition pleine d'étrangeté : lieux, personnages ou but sont à peine évoqués et, si nous partons volontiers à leurs côtés, c'est en éprouvant toutes les incertitudes que les voyageurs semblent aussi rencontrer. Si, de manière manifeste, ce périple se déroule dans des paysages immenses, de façon sous-jacente il renvoie le lecteur à des cheminements plus intérieurs. Le livre commence d'ailleurs avec un groupe anonyme mais, à la tombée du premier soir, un "je" apparaît dans le récit. Plus métaphysique que vraiment géographique, l'inquiétante contrée que traversent le narrateur et ses compagnons fait parfois penser au Stalker d'Andrï Tarkovski. En accompagnant cette curieuse aventure, nous rencontrons de molles formes minérales reliées par de fragiles échelles, des passages improbables découpés comme des silhouettes humaines, de puissantes masses qui flottent en plein ciel. Pas de doute, nous sommes dans l'univers d'un artiste qui entretient des liens avec le surréalisme et plus particulièrement avec Chirico et Dali. Mais il ne s'agit pas de citations, c'est bien l'oeuvre originale d'un peintre qui nous est donnée à voir, comme en témoignent par exemple la puissance des ombres ou la profondeur des rouges. Finalement, texte et images s'inscrivent ensemble dans la dimension artistique où se déroule cette quête. Ce livre n'est pas construit autour d'une fiction qui finirait par fournir des réponses attendues. Il engage un travail d'interrogation voilée, propre à faire ressentir le lien mystérieux qui peut exister entre l'art et nos préoccupations les plus enfouies. (P.G.)