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L'Habitude, pourvu qu'elle soit douce...

Numéros de page :
6 p. / p. 53-58
Il est des mots et des manières qu'on aime détester. Tu es de ceux là. On te raille, on te conchie, on t'agonit, on ne t'assume pas. Tu es si peu ″tendance″ qu'on te mutile quand on te cite. ″Comme dhab″, soupire celui qui t'évoque l'oeil torve et les joues gonflées d'ennui. T'es pas fashion, ma vieille. L'époque veut vivre vite, se renouveler, consommer. Si tu twittais, t'aurais pas un ″follower″. Le gazouillis de la routine, c'est trop déprime. Sur Facebook, pas un pouce ne se lèverait pour ta pomme. Zéro ″like″ pour le ronron de la répétition. La misère ? Et toi qui ne bouges pas. Qui n'essaies même pas de remettre les pendules à l'heure. Tu n'es pas de ton temps et tu t'en fiches parce qu'au fond tu te sais de tous les temps. De toutes les cultures. Constante et immuable. Enveloppante comme un doudou mâchouillé, rassurante comme un rituel dominical, tu finis toujours par nous rattraper : c'est neurologique et souvent bien pratique, comme l'expliquent les scientifiques. Qu'on le veuille ou non, tu nous habites et c'est tant mieux. D'ailleurs, si le peroxydé d'Alexandrie qui a beuglé ton nom à nous en écoeurer avait fait ″comme d'habitude″ le jour où il s'immergea dans le bain qui lui fut fatal, il n'aurait pas empoigné son sèche-cheveux les mains mouillées et les Clodettes auraient encore du boulot. Habitude, j'écris ton nom et je te kiffe.