L’Europe sous Merkel IV. Un équilibre de l’impuissance
Bulletin : <>Débat 202 - novembre 2018
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pp.60-80
L’Europe, telle qu’elle est organisée – ou désorganisée – au sein de l’Union européenne (UE) est un étrange animal politique. Premièrement, elle est constituée par les politiques intérieures de ses États membres qui, au fil du temps, deviennent un écheveau inextricable. Deuxièmement, les membres, qui sont encore des Étatsnations souverains, poursuivent des intérêts définis en termes nationaux à travers des politiques étrangères nationales au sein de relations internationales intra-européennes. Troisièmement, ils ont ici le choix de s’en remettre soit à diverses institutions supranationales, soit à des accords intergouvernementaux entre coalitions sélectives et volontaires. Quatrièmement, depuis le début de l’Union monétaire européenne (UME), qui ne compte que dix-neuf des vingt-huit Etats membres de l’UE, est apparue une nouvelle arène des relations internationales européennes consistant essentiellement en institutions intergouvernementales informelles que l’UE supranationale considère avec méfiance. Cinquièmement, celles-ci sont toutes imbriquées dans les conditions géopolitiques et les intérêts stratégiques de chaque nation, lesquels sont liés en particulier aux Etats-Unis, d’un côté, à la Russie, à l’Europe de l’Est, aux Balkans, à la Méditerranée orientale et au Moyen-Orient, de l’autre. Sixièmement, au fond du système étatique européen, les deux pays les plus importants, la France et l’Allemagne, se livrent actuellement une bataille pour l’hégémonie dont tous deux nient l’existence. Chacun à sa façon estime que ses titres à la suprématie européenne sont non seulement justes mais évidents – au point que l’Allemagne ne reconnaît même pas ses ambitions pour ce qu’elles sont.