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Contre la politique d'identité

Numéros de page :
pp.139-148
Nous étions bien abusés. Je ne suis détrompé que d’hier. Jusque-là, nous pensions que la politique avait pour objet le bien commun, la liberté individuelle ou collective, l’exercice du pouvoir, la conservation de la société, les formes de la citoyenneté, l’encadrement de l’exploitation, la protection contre la barbarie, la nation, l’ordre, le profit, le salut d’un peuple, les institutions, ou la révolution. Nous en débattions depuis quelques millénaires, souvent avec emportement. Des rébellions, des révoltes, des guerres étaient provoquées par ces puissants désaccords. Il apparaît que nous faisions erreur. L’affaire ultime de la politique serait l’identité, qui, s’inscrivant en nos vies, régirait nos discours, nos fantaisies, nos lois et nos gouvernements. Il y a des identités, elles agissent à travers nous. Les oublier, les nier, les relativiser ou les reléguer signalerait la typique vilenie de cette identité-ci (sans doute majoritaire), qui cherche à faire taire les subalternes.