La |Littérature numérique n'existe pas. La littérarité au prisme de l'imaginaire médiatique contemporain
Auteurs
Numéros de page :
pp.5-27
Cet article a pour objectif d’interroger le rapport entre littératie et littérarité numériques : quelles doivent être les compétences de l’écrivain sur le web ? En quoi ses qualifications strictement informatiques participent-elles de son autorité ? Notre hypothèse est que l’importance accordée à la dimension technique des œuvres numériques répond d’abord à un besoin de légitimation, et non à des critères de littérarité. Là où l’éditeur assumait autrefois un rôle de garant, ce sont aujourd’hui les compétences numériques de l’écrivain qui assurent la qualité littéraire d’une oeuvre - au risque de la survaloriser ou au contraire de la sous-estimer. Ces compétences numériques sont en effet notamment évaluées en fonction des connotations symboliques associées à l’usage de certains outils et plateformes. Ces connotations deviennent d’autant plus importantes à l’heure où les GAFAM semblent imposer un nouveau monopole éditorial, fondé sur des outils et des plateformes ne requérant que des compétences informatiques minimales. Massivement investis par les écrivains, ces nouveaux dispositifs éditoriaux (CMS, réseaux sociaux) permettent l’émergence d’une génération qui est loin de partager la même littératie numérique que celle qui l’a précédée. Aurions-nous alors affaire à une génération d’écrivains « analphabètes » ? On démontrera plutôt l’existence d’un déplacement du sens même de nos « compétences numériques », qui désormais ne se fondent plus seulement sur un savoir technique, mais aussi sur une culture numérique.