Ce qui touche à la mémoire
Bulletin : Esprit 438 - octobre 2017
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Numéros de page :
pp.42-61
Le concept de post-mémoire, proposé par Marianne Hirsch, renvoie aux rapports que des générations entretiennent avec des expériences traumatiques qu’elles n’ont pas directement connues. Comme l’écrit l’universitaire américaine : « Les événements se sont produits dans le passé, mais leurs effets se prolongent dans le présent. » Le développement récent de la science épigénétique semble fournir une assise empirique à des phénomènes qui déjouent la compréhension commune. M. Hirsch souligne néanmoins l’importance de dépasser la causalité linéaire de la transmission familiale et de ne pas donner une caution scientifique au caractère inexorable de la répétition traumatique. L’attrait de l’épigénétique doit ainsi être remplacé dans un contexte plus large, l’exploration de l’ensemble des formes d’expression culturelles d’une société donnée, en particulier celles qui nous aident à nous émanciper de la répétition traumatique. Une telle investigation permet de reconnaître que les récits, les images (notamment les photographies) et les comportements dans lesquels nous baignons nous façonnent à notre insu. Ainsi, dans les interactions fines, des souvenirs et des affects puissants se transmettent par une voix qui tremble, un regard qui se perd dans le vide, une main qui se crispe, une impatience inexplicable... Réciproquement, les créations artistiques et culturelles travaillent les souvenirs pour les transformer : d’une génération à l’autre, l’imaginaire supplée le souvenir.