Que valent les bonnes intentions ? L’affaire Anna Stubblefield
Bulletin : Esprit 450 - décembre 2018
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Numéros de page :
pp.117-131
D’Anna Stubblefield, certains ont dit qu’elle était une philosophe engagée en faveur des droits des personnes handicapées ayant abusé de la faiblesse d’un homme incapable de s’exprimer. D’autres considèrent que c’est une femme qui a été condamnée, en première instance, à une lourde peine, de douze ans de prison ferme, parce qu’elle était tombée amoureuse de cet homme. Les avocats de la famille du jeune homme défendent la première version, suivis par des militants des droits des personnes handicapées et féministes. La seconde est suggérée par des collègues d’Anna Stubblefield. Ayant abordé en sociologue et en philosophe les questions posées par le consentement et le recours à la contrainte dans le domaine de la santé mentale et du handicap, lorsque les capacités des personnes sont mises en question, nous avons voulu exposer à un public français les points aveugles de cette affaire et des débats qui l’entourent. Ceux-ci nous semblent en effet montrer combien la question du consentement fonctionne parfois comme un écran et réduit la réalité de situations et d’expériences à des alternatives insatisfaisantes. Toute cette affaire s’articule, au fond, autour d’un dilemme central : comment respecter les personnes dont la capacité d’agir, de décider et de s’exprimer ne trouve pas de forme partageable ? Comment les aider précisément à exercer cette capacité de la façon la plus complète possible, tout en s’y substituant parfois afin de les protéger des abus ?