Sous ses formes variées, le matériau qu'utilise Emmanuel Guibert a tout du sable d'une clepsydre : il accapare le temps pour mieux le contenir. Pour lui, chaque occasion saisie engendre la répétition ou l'approfondissement. En lui, il peut héberger une multitude de personnes, discussions, paysages, objets, voix : tous ressurgiront à un moment donné - quelques minutes comme vingt ans plus tard. Avec le temps, Emmanuel Guibert étreint aussi les présences et les êtres. Son oeuvre est une déclaration continue. Le témoignage le plus récent de cette forme extrême d'obligeance est l'exposition que le musée d'Angoulême lui a consacrée et qui vient de fermer ses portes : il y présentait une dizaine de ses "compagnons", artistes d'arts différents, et s'y dessinait à travers eux, en filigrane. Car c'est toujours grâce aux autres qu'il se livre le mieux, avec cette modestie qui appartient aux plus grands.