Dans son magistral essai, "Délit de fiction", Luc Lang note combien ce terme de fiction consiste à déplacer le roman dans une sphère sans lien supposé avec une quelconque réalité, du monde ou de la vie ; ce qui revient à faire de sa lecture une simple distraction, comme si le roman n'était jamais qu'un autre monde sans aucun lien avec le monde réel : « Le mot "fiction" serait ainsi le gri-gri, la force d'exorcisme, la croix de Jésus et l'eau bénite, le mot clé d'un maraboutage, qui ôterait toute légitimité à un quelconque événement (artistique ou non), lui interdisant toute prise de sens et de parole dans le champ de la "réalité". [...] Ce qui est avéré, c'est l'usage courant fait aujourd'hui du mot "fiction", concept vague, notion idéologique nuageuse qui permet cependant d'exclure et de parquer à peu près l'ensemble de la littérature en un espace de mise en réserve, non plus des Indiens, mais de l'imaginaire et de ses manifestations narratives, leur déniant toute validité à penser, tel un monde à part dont on tolère la fantomatique présence, puisqu'il ne possède aucune légitimité à instruire l'espace de la réalité."