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Qu'est-ce que faire son deuil ?

Numéros de page :
25 p. / p. 40-64
Jadis la mort des êtres proches donnait lieu à leur long accompagnement rituel vers l'au-delà. Mais, désormais, nous sommes plus prosaïquement invités à nous soumettre à un « travail » de deuil : travail à l'issue duquel nous parviendrions à réorienter notre affection vers un être vivant. Cette expression, héritée d'un texte de Freud, s'est en effet imposée comme la vulgate psychologique d'une société habitée par le fantasme que tout, sans exception, serait finalement remplaçable. Reste que notre propre expérience du deuil relève rarement de la vulgate, comme le montrent les témoignages bouleversants que nous avons recueillis, commentés par Anne Dufourmantelle. Au contraire, nous vivons le deuil comme l'épreuve d'un irremplaçable : il est la déchirure que nulle philosophie ne parvient à cautériser. Il nous expose à la pointe incandescente du réel, soulignent Vincent Delecroix et Philippe Forest. Il est aussi le lieu même d'une expérience éthique, explique François-David Sebbah commentant Levinas. Cette expérience du deuil vient ainsi teinter d'une douleur indélébile l'idée même que nous nous faisons de la vérité.