D'où viennent les révolutions arabes ?
Numéros de page :
/ p. 9-91
Menées au nom de la dignité, de l'exigence de liberté et du refus de la corruption, les révolutions arabes ont démenti l'idée que l'autoritarisme était inné à la région, ou plus cyniquement qu'il était le seul rempart contre la menace islamiste. Bien sûr, la vie politique et la société civile ont un riche passé dans le monde arabe. C'est ce qu'entend montrer ce numéro, réalisé dans l'enthousiasme avec des spécialistes passionnés par les transformations en cours. Des cultures et des traditions politiques variées y existent. Les idées libérales y furent acclimatées, la greffe communiste durable, l'idée laïque inspira le Baath en Syrie et en Irak. Les révoltes actuelles peuvent être lues comme la volonté de renouer avec le pluralisme, récusé aussi bien par les régimes issus des indépendances - l'homme politique algérien Ferhat Abbas parla à leur propos d'″indépendances confisquées″ - que par les partis islamistes.Ces mouvements populaires renouent avec un héritage oublié, celui de l'âge libéral de l'Empire ottoman qui, jusqu'à la Première Guerre mondiale, exerça sa tutelle sur les provinces arabes. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, tout un bouillonnement politique et intellectuel nourrit des réflexions constitutionnelles inspirées du parlementarisme britannique ou français. Le premier nationalisme arabe fut indissociable du libéralisme. Le poids de l'islam ne doit pas être surestimé. Si la religion reste une référence centrale dans la vie politique, si les Frères musulmans et leurs clones assurent un important maillage social, c'était une illusion que de croire les sociétés et la jeunesse converties à l'islam politique.