Jane Austen, au-delà du sentimental
Bulletin : Lire magazine littéraire 499
Numéros de page :
pp.40-49
Non, l'Anglaise Jane Austen n'est pas une romancière sentimentale : c'est une romancière qui écrit sur les sentiments sans être dupe des illusions qu'ils suscitent, sans nier non plus la façon dont ils nous meuvent. Non, Jane Austen n'est pas une romancière conformiste : si elle décrivit la vie de la gentry à l'époque de la Régence anglaise, si la question du mariage paraît chez elle centrale, c'est simplement qu'elle usait pour son art de ce qu'elle avait sous les yeux. Ses intrigues disent assez les injustices faites aux femmes et l'exiguïté de leur condition (le mariage sinon rien) pour qu'elle n'ait pas besoin d'expliciter celles-ci en toutes lettres. Dans un univers largement gouverné par les faux-semblants, la vérité devient une matière inflammable, explosive, même, et Jane Austen, artificière experte, la maniait en la relevant d'une belle ironie, patente dès ses écrits de jeunesse - il semble que, comme la déesse Athéna, elle soit née armée et casquée. Ses lecteurs ne s'y trompent pas. Dans ses grands textes - "Raison et sentiments", "Orgueil et préjugés", "Mansfield Park"... -, ils saisissent à la fois la parodie et le premier degré, et se délectent en même temps des sophistications de ce monde perdu et des traits d'humour subtils et critiques que lui adresse l'auteure. Ajouté à son style - si fluide, si vif, qu'il a franchi sans peine les époques -, cela lui a valu passeport pour l'éternité. Sommaire. Pour le meilleur et pour les livres. La morsure de l'aube. Mariage et sentiments. Donjon sans dragon. Permanence de Jane Austen. De Bridget Jones aux zombies.