Droit des blessés et intérêt de la nation, une casuistique de guerre, 1914-1918
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23 p. / p. 85-107
Dès 1915, la priorité française donnée à la récupération des effectifs au profit de l'armée et de l'économie de guerre a nourri la suspicion qu'un grand nombre de malades ou de blessés, soignés dans les formations du Service de Santé militaire, se dérobaient à leur devoir militaire en refusant des traitements ou des opérations. Confortée par la découverte de cas de mutilations ou d'intoxications volontaires, cette présomption d'indignité militaire a poussé certains médecins à commettre ses abus pour démasquer les « simulateurs », tout en provoquant chez les malades et blessés des attitudes très diverses, allant de la soumission à l'insubordination en passant par la simulation ou le recours à de multiples stratagèmes. De là une spirale du zèle contre l'évitement qui se serait sans doute discrètement prolongée jusqu'à la fin du conflit, si les premiers procès pour refus de traitement ou d'opération n'avaient suscité, dès l'été 1916, une vive polémique autour des droits des blessés. La nécessité de calmer cette polémique, préjudiciable au rendement de la récupération, a alors conduit la direction du Service de Santé à inventer des arrangements qui permirent non seulement d'éviter une chasse - politiquement embarrassante - aux « simulateurs », mais aussi de sauvegarder un certain équilibre entre les droits des blessés et les intérêts d'une nation en guerre.