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Généalogie impériale en République

Numéros de page :
33 p. / p. 146-178
Cette étude a pour lieu d'observation la Turquie contemporaine, pays marqué par une idéologie officielle méritocratique, où le genre généalogique n'est certes pas aussi développé qu'en Europe occidentale, mais où le goût pour la recherche des ancêtres ottomans s'est diffusé, ces dernières décennies, parmi les élites républicaines. Elle porte sur le lignage de Halil Hamid Pacha, grand vizir ottoman entre 1782 et 1785, dont la fondation pieuse, instituée en 1783, est à l'origine de mises en forme généalogiques familiales depuis plus d'un siècle et demi ; elle repose sur l'exploitation des documents personnels de Celal Bükey, descendant du grand vizir et administrateur de la fondation entre 1973 et 1981. Dans un premier temps, l'article analyse le processus par lequel les descendants ont été dépossédés du monopole de la production généalogique : au début du XXIe siècle, l'espace public turc devient le lieu de formulation d'une littérature populaire et polémique autour du grand vizir et de sa descendance, dont l'objectif vise à mesurer le génie de la famille à l'aune de critères ethniques et nationaux. Dans un second temps, l'article aborde les formes de manipulation opérées par Celal Bükey sur un patrimoine symbolique thésaurisé : une généalogie institutionnelle, outil administratif au service d'une fondation pieuse, support d'une appartenance juridiquement reconnue au lignage ; une généalogie publique destinée à mesurer le degré de compatibilité d'une lignée impériale à une idéologie nationale en mutation.