Propriété foncière, libéralisme économique et gouvernement colonial
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22 p. / p. 40-61
Effectués d'abord pour des raisons d'urgence, les accaparements et confiscations de propriétés foncières à Alger deviennent rapidement une des préoccupations majeures du commandement militaire. Pratiqué sans cadre légal ni procédurier défini par des officiers ou responsables divers de l'administration militaire, le transfert des propriétés immobilières donne lieu à une formulation empirique et désordonnée des normes de l'action publique, qui invite à questionner la façon dont sont élaborés et légitimés les domaines de compétence du gouvernement colonial en formation. Parallèlement, le développement précoce d'un marché foncier privé, marqué en partie par la spéculation, conduit certains nouveaux acquéreurs européens à revendiquer le primat du marché contre l'arbitraire du commandement et les modes de possession et d'appartenance antérieurs. L'analyse des pratiques et débats locaux offre donc la possibilité de voir comment la question de la propriété devient un élément central de la définition des prérogatives des autorités coloniales et, au-delà, de la mutation de la pensée libérale en France. Si la plupart des acteurs se revendiquent en effet du libéralisme pour légitimer leur action, l'expérience algéroise est aussi mobilisée dans l'affirmation d'un « libéralisme » pragmatique qui vise à justifier une approche différencialiste et arbitraire du droit au service des colons contre les formes de propriété collective ou de main morte. Le cas algérien permet ainsi d'appréhender les débats du temps sur les rôles du marché et de l'Etat et la façon dont la colonisation influe sur la pensée libérale.