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Guerres de plumes et contestation politique

Numéros de page :
38 p. / p. 7-44
Cet article étudie les polémiques de la minorité de Charles II qui opposent Juan José de Austria aux favoris successifs de la reine-mère. Au terme de ces guerres de plumes qui font circuler une masse sans précédent de libelles dans toute l'Espagne, ce fils bâtard de Philippe IV obtient l'exil des favoris et devient Premier ministre. En misant sur les pouvoirs de la plume, don Juan résiste aux autorités sans désobéir ouvertement, et réussit une ascension au sein du gouvernement. La dissidence ne se cache plus derrière l'anonymat des libelles pour empêcher les représailles mais se sert de la tribune offerte par l'écriture polémique pour se mettre en scène et devenir intouchable. Grâce à divers moyens de persuasion et de mobilisation -diffusion massive d'imprimés et de manuscrits, diffamations, rumeurs, marches sur Madrid-, les juanistes exercent une pression sur le pouvoir, mais réussissent à éviter les réalités de la rébellion en canalisant le déchaînement de la violence. Ce faisant, ils élargissent les contours du public politique jusqu'à englober la plèbe qui acclame don Juan en héros. A deux reprises une lutte curiale de factions politiques se transforme en un mouvement d'opinion à l'échelle de l'Espagne. Faut-il y voir l'avènement d'une « opinion publique » et d'un « espace public » au sens habermassien ? Comment « l'opinion » considérée comme doxa pourrait-elle s'intégrer à une culture du gouvernement centrée sur la construction du lien d'obéissance au souverain ? Dans quelles conditions un public que l'on suppose doté d'une raison politique peut-il advenir ? L'article examine l'éventuelle formation d'un espace public en questionnant la validité de nos catégories d'analyse contemporaines, pour réinscrire les formes de dissidence politique dans leur cadre politique et culturel originel. L'analyse de la façon dont les libellistes utilisent les moyens offerts par la publicité, pour subjuguer et élargir un