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Un Erotomane de l'action

01 mai 2018
Numéros de page :
pp.174-176
Gabriele D'Annunzio (1863-1938) est sorti du cercle de nos lectures pour maintes raisons. Mais sont-elles aussi légitimes que le fait accroire le prêt-à-penser actuel? Le plus formidable ambassadeur des écrivains italiens de la modernité, Maurizio Serra, inquiète nos certitudes dès les premières lignes de la magistrale biographie qu'il consacre au prince des voluptés. Nous serions-nous trompés en remisant l'auteur du "Feu", cher à James Joyce, au purgatoire de la préciosité fin-de-siècle, ou en le rangeant parmi les précurseurs d'un nationalisme étroit qui, sous couleur de fierté latine, aurait jeté le pays de Garibaldi dans les bras du Duce ? Si le parcours de l'intenable Gabriele confirme la thèse selon laquelle l'engagement politique de la génération 1890 fut souvent la conséquence d'un vitalisme nietzschéen qui s'était d'abord vécu sur le mode esthétique et érotique, D'Annunzio vaut bien mieux que la surenchère verbale et les postures flatteuses dont on l'accusa vite avec un excès symétrique. Il est, au contraire, de ces fous de la vie qui savent dominer leur narcissisme, voire leur priapisme, et de ces poètes aptes à mettre en accord leur lyre et le rôle qu'elle leur confère parmi la société civile.