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Walt Whitman

01 octobre 2011
Numéros de page :
155 p. / p. 3-157
Walt Whitman (1819-1892) est avec Emily Dickinson l'un des deux grands piliers de la poésie américaine du XIXe siècle. « Qu'il exerce ou non une influence déterminante sur la littérature de l'avenir n'empêchera pas qu'il soit l'un des plus symptomatiques témoignages du présent », déclarait en son temps Robert-Louis Stevenson. Poète de l'en-avant, Whitman le démocrate est indissociable de la rupture opérée par la jeune Amérique avec la monarchie anglaise. Son poème est une Déclaration d'Indépendance. Pour les Etats-Unis mais aussi pour la poésie en général. Non pas seulement parce qu'il fut le fondateur du vers libre, mais aussi et surtout parce qu'il exposait une philosophie poétique propre, totalement neuve, dans l'évaluation du temps. C'est ici qu'avec « Feuilles d'herbe » Whitman se détache et se singularise de ses devanciers. C'est ici que se situe sa véritable révolution, dans le nouveau contrat passé par un poète avec le temps. Avec lui, la poésie s'inscrit à la fois dans le départ et dans la durée. C'est un coureur de fond qui lie entre eux les deux rythmes de la fulgurance et de la longue patience. Il y a un pari complètement fou dans ce défi - que le rythme corporel soit suffisamment soutenu pour générer des ascensions rapides, des élans entrecoupés de retombées sur le bitume de Manhattan. On dirait d'un programme de mythologie active, course mélangée d'Hercule et d'Orphée sur une parcelle de terre - l'île de Manhattan - longtemps fréquentée par des dieux indiens. Lisez le « Chant de moi-même », dans sa plénitude, sa force de lévitation insurpassable : un athlète, entraîné à la marche, à la lecture, à l'observation des autres étire la riche pâte d'un espace contraint, aux dimensions d'un parquet cosmique, faisant se rejoindre et danser l'infime temps individuel avec les rythmes de la Création. Pionnier, Whitman ne l'est pas tellement pour l'Amérique des siècles à venir que pour l'humanité