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″Emilie avant le jour de ses noces"

01 octobre 2014
Numéros de page :
21 p. / p. 250-270
Ce long poème de Hölderlin est peu connu. Son caractère insolite, atypique, nécessite quelques éclaircissements préliminaires. Il s'agit d'une « idylle », genre alors en faveur en Allemagne, mais la seule de la plume de Hölderlin. Elle lui fut commandée en 1799 par l'éditeur de son ami Neuffer, lequel publiait un « Taschenbuch für Frauenzimmer von Bildung » [Agenda pour femmes cultivées]. L'éditeur Steinkopf lui avait demandé « un récit ou roman sur Emilie », prénom purement fictif Hölderlin rédigea en un temps record - quinze jours - ce poème qui fùt publié dans le « Taschenbuch auf 1800 ». Dans sa lettre à Neuffer du 3 juillet 1799, le poètes 'explique sur les choix formels auxquels l'a contraint la « matière », qu'il qualifie de « moderne ». Il aurait été ainsi obligé d'« abandonner les formes classiques anciennes ». Il qualifie la tonalité d'« élégiaque » et « sentimentale », met en valeur l'« accidentel » dans la conduite du récit, ce qui l'oppose à la nécessité tragique. Par-delà la fluidité de ce lyrisme, « ailé comme Amour et Psyché », et qui ne manque pas de charme, le connaisseur de Hölderlin retrouvera la marque indubitable du poète : par exemple, son vif rapport affectif aux luttes de libération et la mythisation des cours d'eau et des fleuves. Mais ce qui ne peut manquer de frapper, c'est comment le poète a su se couler, sans aucun effort apparent, dans la sensibilité vibrante d'une jeune femme, ce qui ne pouvait qu'être induit par la nature même de la publication à laquelle le texte était destiné. Et ne pourrait-on appliquer à Emilie le titre du bel essai de Schiller : « Grâce et dignité » ?