Henri Heine
Bulletin : Europe 1036-1037 - août 2015
01 août 2015
Numéros de page :
155 p. / p. 3-157
Enfant de l'"Aufklärung" et dernier poète romantique, esprit à la fois ironique et mélancolique, écrivain juif de langue allemande exilé en France, il semble impossible de « fixer » Heine, de le ramener à une seule identité, même sur le plan littéraire, car il fut à la fois poète, prosateur, journaliste et essayiste. Né en 1797 à Düsseldorf d'un père négociant en textile et d'une mère issue d'une famille de banquiers, il défendit pourtant, dans de nombreux écrits, les idéaux révolutionnaires de son temps et se préoccupa du sort du peuple, au point de devoir quitter l'Allemagne pour des raisons politiques. Heine écrit dans un allemand vif, alerte, moqueur. Les nombreuses facettes de sa personnalité, ses multiples talents, cette identité complexe qu'on ne cesse de brandir pour en souligner la modernité ont souvent été exploités par ses adversaires pour le présenter comme un esprit versatile et léger. Pourtant, il nous semble qu'en situant Heine au milieu des tensions propres à son époque, on peut au contraire être frappé par la constance de ses idées et par sa rigueur morale, supérieures à celles de nombre de ses contemporains. Plusieurs écrivains allemands venus après lui ont parfaitement saisi le rôle décisif qu'a joué Heine dans la fondation d'une Allemagne politique et littéraire en rupture totale avec celle qui l'avait précédée. Et ceux-ci ont une expérience en commun : celle de l'exil. Qu'il s'agisse de Hannah Arendt, de Theodor W. Adorno, de Thomas Mann, tous ont dû un jour quitter l'Allemagne parce qu'ils en avaient été exclus en raison de leurs opinions ou tout simplement parce qu'ils étaient juifs et risquaient d'être à leur tour pourchassés, comme d'autres Juifs à l'époque de Heine. Comme lui, ils ont affirmé et défendu la seule Allemagne qui méritait d'exister à leurs yeux : républicaine, cosmopolite, ouverte à la liberté de pensée hors de tous les cadres imposés par l'Etat et la relig