Funérailles nobiliaires et pouvoir seigneurial à la Renaissance
Bulletin : Revue historique 661 - janvier 2012
01 janvier 2012
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Numéros de page :
30 p. / p. 101-130
Désormais bien connu pour les rois et les princes de la fin du Moyen Age et de la première modernité, les funérailles nobiliaires demeurent un terrain encore inexploré pour une noblesse plus modeste, pour qui l'essentiel de la distinction sociale reposait sur la propriété féodale. Les obsèques appartenaient aux rites sociaux destinés à manifester le rang et la qualité d'un individu et des siens. Seule cérémonie véritablement personnelle de la vie d'un gentilhomme, la mort noble se distinguait de la mort du vulgaire. Il s'agissait d'un événement central de la vie de la seigneurie, célébré par l'ensemble de la communauté, dans lequel chacun était mobilisé pour honorer le défunt, et à travers lui, l'ensemble de son lignage, vivants et morts. La ritualisation de la mort seigneuriale prenait la forme d'une pompe funèbre parfaitement normée à la Renaissance. Les élections de sépulture entraient également dans la représentation de la puissance nobiliaire. La constitution de nécropoles familiales témoignait d'une forme de reproduction sociale de la noblesse dans une configuration topolignagère. Véritables sanctuaires dynastiques, ils offraient un cadre fixe et permanent à la célébration de la ″memoria″ de la parenté aristocratique, dans laquelle chaque ancêtre était individualisé. Les fondations pieuses la plaçaient dans le domaine de l'immémorialité, tout comme elles reflétaient dans le même temps les attaches territoriales et le pouvoir local d'un lignage. L'attachement au tombeau familial est perceptible dans les fureurs iconoclastes qui touchèrent les sépultures nobiliaires pendant les guerres de religion. En détruisant la tombe de son ennemi, on le blessait durablement dans ce qu'il avait de plus cher : la mémoire des ancêtres, présents spirituellement et protecteurs sanctifiés du lignage sur terre et sur ses terres.