Théorie et pratique du pouvoir royal
Bulletin : Revue historique 674 - avril 2015
01 avril 2015
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20 p. / p. 303-322
Dans la lignée de plusieurs études récentes consacrées à des procès confrontant l'autorité royale aux pouvoirs locaux, cet article se propose d'utiliser la riche documentation du procès qui s'est ouvert en 1269 entre l'évêque de Mende et le roi de France comme pierre de touche de l'évolution de la théorie du pouvoir royal au tournant des XIIIe et XIVe siècles. Résultant des conflits entre la juridiction du roi, récemment installé en Gévaudan, et celle de l'évêque de Mende, cet épisode judiciaire se déploie pendant 37 ans en procédures variées avant de se conclure par un traité de paréage en février 1307. Grâce aux argumentaires juridiques produits dans les années 1270 puis 1300 par les deux parties, l'historien dispose de deux points d'observation privilégiés des évolutions de la conception du pouvoir royal. En comparaison avec le discours du sénéchal de Beaucaire dans les années 1270, l'argumentation royale connaît un indubitable durcissement théorique sous Philippe le Bel dans la bouche de l'avocat du roi Guillaume de Plaisians. La royauté française construit alors les fondements d'un nouvel ordre juridique en s'appuyant sur les principes du droit romain qui se diffusent progressivement parmi les conseillers du roi : le roi est l'égal de l'empereur dans toute l'étendue de son royaume. Il dispose d'un réel pouvoir d'action constitué d'un ensemble de prérogatives exclusives et, en premier lieu, celle de faire la loi. Néanmoins, l'imperium que Guillaume de Plaisians revendique pour le roi de France n'est pas absolu : il ne fait pas l'économie de la coutume et du droit établis.