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Flaubert entre le Sphinx et la Chimère

01 mai 2023
Numéros de page :
pp.444-450
Bouvard et Pécuchet sont des Sisyphes heureux, car la Copie qui devient leur unique horizon est tout le contraire d’un tourment. Après avoir connu toutes les angoisses de la connaissance et de ses obsédantes impasses, ils accèdent enfin au bonheur du non-savoir sans autre finalité que de se poursuivre sans fin. Voilà qui peut nous parler aujourd’hui, car le désenchantement des deux « bonshommes » à l’égard des sciences anticipait par bien des côtés celui de beaucoup de nos contemporains, de même que Flaubert anticipait dans son projet fou le désenchantement de la génération qui suivrait la sienne. Mais si Bouvard et Pécuchet finissent par céder au découragement, c’est parce que, malgré leur foi dans les savoirs, ceux-ci se révèlent impuissants quand il s’agit de les traduire en actes : la promesse d’une recréation radieuse du monde par la science ne débouche, avec le désenchantement, que sur du désordre et de la destruction.