« Si vous êtes amenés à choisir un nouveau roi, je vous conseille de ne pas traverser les forêts à la recherche des bois tortueux. »
Bulletin : Le Moyen âge 2
01 avril 2022
Numéros de page :
40 p. / p. 357-396 : ill. en coul.
Les poètes épiques et chroniqueurs écrivant en moyen français ont fait du comte de Luxembourg et roi de Bohême Jean, dit l’Aveugle, l’incarnation de l’idéal du roi chevalier. À l’inverse, le portrait dressé par les sources rédigées en Bohême au XIVe siècle, en latin ou en tchèque, est beaucoup plus sombre. On reproche au roi ses sympathies allemandes au détriment de la noblesse locale et de la langue tchèque, deux éléments qui sont au centre de l’idéal du bon roi tel qu’il se construit alors en Bohême. Surtout, on l’accuse de détourner l’argent du royaume pour financer de vaines expéditions militaires et d’inutiles tournois et voyages à l’étranger. Jean ne viendrait en Bohême que pour récolter des fonds avant de repartir pour son Luxembourg bien aimé. La cécité volontaire dont font preuve les auteurs des sources écrites en Bohême au xive siècle, qui refusent de comprendre que le roi Jean avait également des devoirs au Luxembourg et dans l’Empire, est à l’origine de l’étiquette tenace de « roi étranger » qui colle à la peau de Jean l’Aveugle dans les sources ultérieures, dans la mémoire collective et, jusque récemment, dans l’historiographie tchèque.