Âgé de 83 ans, auteur en cinquante ans de quatre longs métrages, qui sont d'insolites chefs-d'oeuvre, Victor Erice est un cinéaste rare, sans doute malgré lui, mais aussi en ce sens que ses films refusent de répondre, autant par non que par oui, aux injonctions commerciales et aux suggestions des modes intellectuelles. Cette singularité explique-t-elle que "Fermer les yeux" n'ait pas été honoré comme il le méritait à Cannes, où "Le Songe de la lumière" avait reçu le Prix du jury en 1992 ? En tout cas, elle le fait regretter, et elle justifie la constance de notre intérêt et de notre admiration. Comme le suggère son titre paradoxal, ce film illustre la rigueur artistique de son auteur : comme "L'Esprit de la ruche" (1973), en effet, il concerne moins le cinéma lui-même que la manière dont celui-ci partage le visible avec le monde quotidien, moins les retrouvailles après une disparition que la découverte et l'accueil de l'étranger et des diversités qui sont en chacun ; il importe de fermer les yeux pour en contempler la mystérieuse unité. Sommaire. Qui êtes-vous encore ?, la critique du film. "L'ange de la mélancolie vole au-dessus de nous", entretien avec Victor Erice.