Michel Rabagliati. La possibilité d'une ligne
Bulletin : Les Arts dessinés janvier mars 2024
01 janvier 2024
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pp.54-59
Lorsque, au beau milieu de l'entretien réalisé par écrans interposés, Michel Rabagliati se lève pour aller chercher une photographie de son père, laissant ainsi à l'oeil de son interlocutrice tout le loisir de se poser sur les quelques objets que compte sa bibliothèque bien fournie, celui-ci remarque d'emblée un Fauve, puis un deuxième, souvenirs de récompenses glanées à Angoulême en 2010 (prix du public pour Paul à Québec) et en 2021 (prix de la série). De retour devant son ordinateur, le Montréalais s'amuse : « Ah tiens, t'as reconnu mes p'tits minous ! » Depuis presque vingt-cinq ans, il croque par tranches la vie de son alter ego de papier, qu'il a appelé Paul parce que ce prénom - ce personnage et ceux qui gravitent autour de lui au fil des décennies - laisse deviner la grandeur des choses simples. Traversant la dizaine d'albums qui lui sont consacrés, n'obéissant à aucune chronologie - la seule logique étant émotionnelle -, Paul, en scout ou en père de famille, en maison ou en appartement à Montréal ou dans un rayon de cent kilomètres, en famille ou seul, se montre tour à tour nostalgique, passionné, déprimé, coléreux, amoureux. Avec lui. Québec, son phrasé, son histoire semblent étonnamment proches. C'est volontiers qu'il faut le suivre sur l'ile qui l'accueille avec sa fille, Rose. Il faut le voir laisser ses idées noires peu à peu s'enfuir dans le vent. Et voir Michel Rabagliati dessiner, à la mine de plomb, la douceur du sourire retrouvé de son héros.