"Green Border", d'Agnieszka Holland. Morale du cinéma
Bulletin : L'Avant-scène. Cinéma février 2024
01 février 2024
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pp.138-143
Pour installer le spectateur au coeur du drame, Agnieszka Holland met en question le titre de son film dès les premières secondes. Un drone filme la cime des arbres immenses et magnifiques de la frontière orientale de la Pologne. C'est la "green border". Le vert disparaît et laisse place au noir et blanc qui durera les deux heures trente-deux du récit. Au coeur du drame, donc, Holland nous parle d'urgence, de catastrophe. Son sujet c'est la catastrophe qui traverse l'Europe, les migrants qui meurent sur les "anciens parapets" du continent (pour citer Rimbaud) l'indifférence, l'hostilité et le crime, la générosité et les impasses politiques. La cinéaste a remporté à la fois le Prix spécial du jury à la dernière Mostra de Venise et le droit d'être protégée par la police à la suite d'une campagne de haine de l'extrême droite polonaise qui lui collait l'étiquette de "nazie" en raison de son film. "Nazie", Agnieszka Holland... On pourrait presque en rire, si le rire ne s'étranglait pas dans la gorge.