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Peut-on encore rire des maladies mentales ?

14 mars 2024
Numéros de page :
pp.14-15
"Psychophobie" : le mot n'est pas d'usage courant, mais on peut le croire promis à une notoriété certaine. Il désigne le rejet, le mépris à l'endroit des personnes souffrant de maladies mentales. Une pétition, initiée par le psychiatre Hugo Baup, réclame ainsi au personnel politique de ne plus utiliser comme invectives des termes tels que "autiste", "malade mental" ou "schizophrène" parce qu'ils désignent aussi des situations de personnes en souffrance. Or celles-ci sont encore plus fragilisées, affirme la pétition, d'être assimilées à des comportements nuisibles. Plus récemment, c'est un sketch diffusé dans l'émission de Léa Salamé, "Quelle époque !" sur France 2, qui a fait réagir. Il est interprété par l'humoriste Charlotte Dhenaux. Laquelle incarne "Sixtine, chambre 612", une patiente fort agitée et confuse, pensionnaire à l'hôpital psychiatrique Sainte-Anne. Si la seconde partie du sketch (un poème dédié à l'humoriste Jérémy Ferran) se révèle attachante, le début, par la violence de ce qu'il montre, a provoqué une malaise chez certains téléspectateurs. Ce sketch ne relève évidemment pas d'une psychophobie volontaire, mais il autorise à se demander si en 2024, il est encore possible de rire aussi crûment d'une telle détresse psychique. C'est toute la question, difficile, de l'humour noir - déjà d'actualité à l'époque de l'attentat contre "Charlie Hebdo" - qui se pose à nouveau ici. Où s'achève le droit légitime à rire de tout, et où commence la stigmatisation ?