Du Sublime obscur dans "les Désastres de la Guerre" de Goya. La morsure de l'artiste contre le poignard des Lumières
Bulletin : Diogène 257 - janvier 2017
01 janvier 2017
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Numéros de page :
pp.135-155
Au-delà de l'image taboue, se profile un autre enjeu : qu'a-t-on le droit de représenter et comment ? Goya se le demande pour chacune des eaux-fortes qui décrivent les "Désastres de la guerre", comme autant d'instantanés de l'insoutenable. Oeuvre protestataire contre la violence qui enflamme l'Espagne avec le soulèvement du Dos de Mayo, elle ne défend à aucun moment une vision héroïque de la guerre pour, au contraire, se concentrer sur l'individu dans son isolement, sa vulnérabilité mais aussi sa bestialité et son aveuglement. Dans sa peinture sans concession de l'horreur qui dégrade victimes et bourreaux, Goya fait jouer à plein l'ombre et la lumière afin de dessiner les contours d'une humanité suppliciée, comme le montre Juan Carlos Baeza Soto qui traque les manifestations du "sublime obscur" chez l'artiste aragonais.