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Un Succès méconnu des derniers Capétiens : l'annexion des domaines des Lusignan et l'usage du concept de lèse-majesté, 1308-1327

01 octobre 2019
Numéros de page :
pp.833-858
La dynastie des comtes de La Marche et d’Angoulême, fondée au sein de la famille de Lusignan, s’est éteinte au début du XIVe siècle, laissant ses domaines entre les mains du roi de France. Les conflits intrafamiliaux entre ses membres débouchent sur des crises successorales successives qui autorisent Philippe le Bel à s’immiscer de plus en plus dans la succession. Il confisque la totalité de leurs terres juste avant la mort du dernier comte, Guy de Lusignan, qui avait envisagé de s’allier au roi d’Angleterre pour contrebalancer le pouvoir du Capétien. Les agents royaux ont alors entamé avec tous les ayants droit du défunt une série de négociations, appliquant à sa conspiration la notion juridique de « crime de lèse-majesté » pour justifier la saisie et l’impossibilité de restituer les terres afin de les contraindre à abandonner leurs prétentions. Philippe IV annexa ainsi au domaine royal, sans coup férir, toutes les possessions des Lusignan en Poitou et en Bretagne ainsi que les comtés de La Marche et d’Angoulême. Ce fut une des principales acquisitions territoriales de son règne et la plus réussie, mais, utilisée immédiatement pour fournir un apanage à son troisième fils, elle est restée très méconnue. Intervenant après les grands procès politiques contre Bernard Saisset, Boniface VIII et les Templiers, cette confiscation, en mobilisant la notion de lèse-majesté, termine la mutation de ce concept mis en œuvre par les légistes royaux et constitue un jalon ignoré dans la formation du concept de haute trahison et la constitution de l’appareil juridique d’Etat.