Faire vivre et mourir les institutions. Les congrégations soumises au verdict du Conseil d’Etat, 1900-1904
Bulletin : Revue historique 689 - janvier 2019
01 janvier 2019
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pp.57-76
La querelle congréganiste, épisode le plus violent de l’affrontement laïque de la IIIe République, a été principalement réglée par la loi du 1er juillet 1901 dont l’application a été confiée au Conseil d’Etat. L’analyse de ses assemblées générales met en lumière, grâce au croisement de prises de positions des membres et de données biographiques, l’affrontement de deux camps. Les défenseurs catholiques des congrégations vont alors recourir à des stratégies de fiction juridique pour maintenir l’existence des compagnies religieuses. Le Conseil d’Etat, pourtant soumis à un devoir de réserve et une obligation de neutralité, devient durant quelques années une arène politique discrète. Cette politisation est limitée par le sens du devoir de hauts fonctionnaires qui parviennent à concilier les exigences de leur service et une opposition rentrée. Cette enquête permet de souligner quelques traits d’une interprétation catholique du droit, qui veut rendre hommage à la vie spontanée des institutions et ne jamais la contraindre. Elle montre aussi les stratégies d’une institution, le Conseil d’Etat, pour se maintenir dans un contexte politique hostile. Le Conseil a trouvé son équilibre au sein des nouvelles institutions républicaines en arrangeant la cohabitation du nouveau droit républicain avec le droit des régimes qui le précédaient. Chargé de décider de la vie ou la mort d’institutions religieuses, le Conseil d’Etat organise sa propre survie en ôtant la vie avec parcimonie et en cherchant partout l’harmonie des jurisprudences.