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Entretien avec Bille August, à l'occasion de la sortie en vidéo HD de "Pelle le conquérant" , 2019 et "Bacurau", 2019

01 octobre 2020
Auteurs
Numéros de page :
pp.190-193
De la demi-douzaine de cinéastes ayant eu l'honneur de deux Palmes d'or à Cannes, le danois Bille August est sans doute le moins estimé, et c'est injuste. On lui fait payer sa seconde palme qui lui a visiblement été accordée en raison de son immersion bergmanienne (Bergman n'a quant à lui jamais été célébré à Cannes pour un film précis). On lui fait payer d'avoir échoué à prendre la relève d'un cinéma scandinave qui nous était précieux avant de se disperser (parfois avec bonheur, pas toujours) dans le monde entier, sans donner le sentiment d'une unité véritable. On lui fait payer un naturalisme que d'aucuns considèrent encore comme une facilité (que l'on nous permette de penser exactement l'inverse). Adapté d'un roman de Nexo, "Pelle le conquérant" est un film parfait, adaptant une forme classique (qui débouche au passage un lyrisme rare) à un récit romanesque qui nous tient en haleine. Contemporain des romans de Dickens, l'histoire de Pelle est d'une âpreté rare, qui détaille les morsures que la vie se plaît à faire à l'enfance. Car Pelle est un gamin, qui immigre avec son père (incarné par un Max Von Sydow au sommet de son talent, père aimant mais maladroit que ne sembla pas quoi savoir faire de sa grande carcasse) dans un Danemark plein de promesses. Mais le père et l'enfant doivent vite déchanter tant la vie est rude, les conditions de travail (à la ferme) inhumaines et l'hostilité des autres sans limite. Bille August regarde l'enfance avec une acuité rare, dont il avait déjà fait preuve dans ses films précédents, contemporains ceux-là. Mais il ajoute une dimension sociale, le tout rehaussé par une photo de toute beauté. Car si la nature ne fait pas plus de cadeau que n'en font les hommes, elle palpite et procure au film comme une dimension panthéiste que n'aurait pas renié Renoir. "Pelle le conquérant" est une merveille...