Les Privilèges plutôt que l'orthodoxie. L'Inquisition à Malte et sa lutte pour le pouvoir pendant la Contre-Réforme
Bulletin : Revue historique 696 - octobre 2020
01 octobre 2020
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pp.117-154
Le thème de la Contre-Réforme a été l’un les plus débattus par l’historiographie européenne de la seconde moitié du XXe siècle. Les historiens ont cherché à démontrer comment l’Eglise Romaine, grâce à la Contre-Réforme, réussit à surmonter la crise profonde du début du XVIe siècle, en proposant, entre autres, un nouveau modèle de chrétien, orthodoxe, éduqué, purifié et plus attentif à la mission évangélique. L’article vise à déconstruire partiellement cette thèse, en discutant une documentation largement inédite de la Congrégation du Saint-Office. Le cas proposé est celui de l’Inquisition de Malte, peu étudiée alors même qu’elle était l’une des plus importantes de l’époque. L’analyse des documents montre comment les inquisiteurs, en accord avec la Congrégation, cherchaient surtout à protéger leurs collaborateurs (qui étaient souvent des criminels) plutôt que de promouvoir l’orthodoxie, l’orthopraxie ou la morale des individus. Garantir aux employés du tribunal de larges privilèges fiscaux, judiciaires, militaires, politiques et spirituels, était le seul moyen par lequel le Saint-Office parvenait à disposer d’un personnel nombreux, bien que cela se faisait au détriment de l’autorité des institutions civiles et religieuses. Paradoxalement, et comme l’exemple de Malte en témoigne, les inquisiteurs furent souvent un obstacle pour la discipline promue par le Concile de Trente, du fait qu’ils protégeaient leurs collaborateurs, leurs énormes privilèges et crimes.