Prendre la route. Mobilité et différenciation sociale
Bulletin : Revue historique janvier 2021
01 janvier 2021
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Numéros de page :
pp.139-157
A partir d’exemples pris dans toutes les périodes de l’histoire, cet article, qui introduit le dossier « Prendre la route », propose différentes pistes de recherche pour une analyse des usages sociaux de la route. Qui trouvait-on sur les chemins dans les sociétés du monde occidental et comment la rencontre entre les différentes catégories sociales s’effectuait-elle ? Selon quels critères les itinéraires étaient-ils choisis ou même imposés : rang, classe, genre ou fonction ? Quels objets, quels équipages accompagnaient les voyageurs ? Quel savoir de la route était accessible ? Et de quel sens la route était-elle investie ? Depuis l’Antiquité, les romans l’ont prise comme décor privilégié parce qu’elle incarnait un parfait sociotope, le lieu par excellence où pouvaient à la fois se rencontrer des gens normalement séparés par la hiérarchie sociale ou par l’espace, et s’afficher la division sociale, où se mêlaient les destinées et où se nouaient des intrigues. Il revient à l’historien de relire ces récits à l’aune d’autres sources, pour mettre la mobilité à l’épreuve de la différenciation sociale, et, au-delà d’une étude des pratiques, poser la question de la justice spatiale. Si l’espace est naturellement commun, en effet, il se voit souvent « qualifié » par les personnes qui s’y déplacent, et son accès peut faire l’objet de tensions et de conflits, voire d’abus de pouvoir.