"Belfast", Kenneth Branagh
Bulletin : Positif 733
01 mars 2022
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Numéros de page :
pp.38-39
En tant que perspective sur les Troubles, "Belfast" fait date. Dans la cité éponyme, le témoin de la reprise du conflit est un garçon, fils d'ouvrier protestant. L'éruption de violences correspond à son initiation à l'âge l'adulte et à la fin du bonheur de l'enfance. Filmer une enfance heureuse au moment où elle se brise est une entreprise délicate. Parmi les films déclinant le sujet, la place accordée au plaisir du spectacle se remarque. Pendant la guerre de Sécession, la pratique du théâtre amateur scelle l'entente des "Quatre Filles du docteur March" (George Cukor, 1933), malgré l'absence du père et une pénurie de moyens. Hantés par l'éventualité d'un déménagement à New York, les filles et leur frère du "Chant du Missouri" (Vincente Minnelli, 1944) se réfugient dans le chant. Dans "La Complainte du Sentier" (Satyajit Ray, 1955), Apu, un Bengali pauvre, regarde les images d'un bioscope et se fabrique un diadème tel celui du prince d'un mélodrame joué par une troupe itinérante ; à dix ans, la misère le chassera de la campagne. En 1969, un gamin de Belfast accompagne sa grand-mère au théâtre pour assister à une mise en scène d'"Un chant de Noël" ; face au déchirement civil, ses parents l'emmènent en exil.