Boire pour se soigner. Une nouvelle menace pour la santé publique, France, vers 1900
Bulletin : Revue historique 702
01 avril 2022
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pp.399-430
Dans une France du XIXe siècle où la consommation d’alcool croît de manière régulière, les premières voix s’inquiétant d’un phénomène dangereux pour la société s’élèvent au milieu du siècle. Peu à peu, et sous diverses formes, le mouvement antialcoolique prend forme et met en garde contre l’alcoolisation massive d’une partie non-négligeable de la population française. À la diversité des pratiques (consommation collective ou individuelle ; alcoolisme chronique ou aigu ; boissons fermentées ou distillées ; etc.) répond un discours médical et associatif plus ou moins structuré jusqu’aux années 1870. Il devient après cette date bien plus ferme et cohérent, dénonçant les différentes facettes de ce qui apparaît comme un fléau social dans les dernières décennies du siècle. Cet article entend interroger une forme d’alcoolisme considéré comme pernicieux et particulièrement répandu, l’alcoolisme thérapeutique. Ce dernier consiste dans l’alcoolisation – passive ou active – des consommateurs de boissons alcoolisées aux vertus supposément thérapeutiques. Après avoir retracé la genèse du phénomène, en expliquant les ressorts médicaux de ces pratiques, il s’agit d’envisager comment, sous les effets de l’implication de différents protagonistes dont certains très éloignés des milieux médicaux ou paramédicaux, la consommation de boissons dites toniques ou fortifiantes monte en puissance dans le dernier quart du siècle. Dès lors, la réponse des acteurs de la scène antialcoolique est vive, ciblant industriels de la filière alcoolière, mais également médecins.