"La Nuit du 12" de Dominik Moll. Colloque sentimental
Bulletin : Cahiers du cinéma 789
01 juillet 2022
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pp.42-43
Après les causses enneigés de "Seules les bêtes", Dominik Moll étend le territoire des rois sans divertissement à un Twin Peaks savoyard, Saint-Jean-de-Maurienne. La jeune Clara y est brûlée vive en pleine rue en rentrant de chez sa meilleure amie, à qui, dans la quiétude pavillonnaire alentour, elle était en train d'adresser une vidéo affectueuse. Le clinquant du selfie animé est happé par l'obscurité qui, sous la forme d'une silhouette encapuchée, engloutit ces éclats de vie d'autant plus émouvants qu'ils sont inutiles (les deux filles viennent de se dire au revoir). Mais un carton a déjà distendu le suspense : ce crime fait partie des 160 homicides irrésolus chaque année en France. Dans ce double mouvement d'une enquête à la fois lancée et barrée d'avance, la tension du whodunnit pendouille, pas pour autant dissipée, mais étale, tel l'élastique qui servira à faire inexplicablement (et temporairement) remarcher l'imprimante cahoteuse des bureaux de la PJ.