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Régimes génocidaires et compartimentation de la société

01 mars 2014
Numéros de page :
18 p. / p. 26-43
A mesure que les Etats ont émergé et donné naissance à un système interétatique en monopolisant les moyens de la violence légitime sur leurs territoires respectifs, ils ont accumulé les ressources leur permettant de livrer des guerres toujours plus destructrices à l'encontre d'autres Etats. Ce phénomène ne concernait toutefois que des confrontations entre des parties en présence relativement symétriques, fort différents des épisodes de violence de masse extrêmement asymétriques au cours desquels des hommes organisés et armés s'en prennent à des populations non organisées et désarmées, donnant ainsi lieu à des situations d'extermination de masse. Ces épisodes d'extermination massive sont la résultante d'un processus de compartimentation qui se vérifie à tous les niveaux de la vie sociale : au niveau macro-sociologique des transformations sociales et culturelles ; au niveau méso-sociologique des politiques du régime en place ; au niveau micro-sociologique d'une "dé-identification" et d'un ostracisme croissants et quotidiens à l'encontre du groupe-cible ; et enfin, au niveau "psychologique" de l'internalisation du rejet du groupe-cible. Ce processus de compartimentation ne suit pas la même séquence dans tous les épisodes d'extermination de masse, mais on retrouve dans chaque cas de nombreux éléments, voire la plupart d'entre eux. On peut ainsi distinguer quatre types d'extermination massive. Premièrement, la "furie conquérante" : lorsqu'une armée victorieuse déferle sur une nation vaincue et se livre à des meurtres de masse afin de punir et de terroriser la population. Deuxièmement, un régime en place peut recourir à un "régime de terreur" afin d'intimider sa propre population. Troisièmement, un régime sur le point d'être vaincu par une armée étrangère peut encore recourir à l'extermination de masse contre un groupe-cible dépourvu de défenses, dans une configuration de "triomphe du perdant". Et enfin, une vague