«J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie.» Ces phrases célèbres de Paul Nizan ouvrant son pamphlet Aden Arabie (1931) marquaient les débuts de l'un des intellectuels les plus brillants des années 1930. Romancier talentueux, pamphlétaire acide, si Nizan se frotta à bien d'autres genres (adaptation, traduction...), l'essentiel de son temps fut dédié au journalisme, profession qu'il épousa totalement à partir de 1935. Devenu rédacteur politique au quotidien communiste L'Humanité, l'intellectuel militant va y suivre des événements essentiels comme le conflit italo-éthiopien ou les élections du Frente popular en Espagne. Il y est également critique littéraire, ainsi qu'à Monde, l'hebdomadaire d'Henri Barbusse, ou à Commune, la revue de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires. Ce volume se clôt au moment du déclenchement de la guerre d'Espagne. Les reportages antérieurs de Nizan montrent qu'il aura eu l'intuition d'un coup d'État imminent. Il aura aussi perçu, dans le conflit italo-éthiopien, le début d'une victoire des fascismes, face auxquels les démocraties n'affirmaient - déjà - qu'un aveuglement coupable. Ce Nizan journaliste politique, méconnu, s'offre ici au lecteur d'aujourd'hui. Si l'orthodoxie communiste habite ses articles, elle n'oblitère pas, loin de là, l'acuité de sa pensée. Document sur l'entre-deux-guerres, ce livre permet aussi d'éclairer, à bien des égards, notre époque.

P. Nizan, tué au combat en mai 1940. Grand romancier politique, il dispute à L. Aragon le titre de premier écrivain communiste français. En 1939, après le pacte germano-soviétique, il rompt avec le Parti communiste

Paul Nizan a vingt ans lorsqu'il s'embarque pour Aden, en septembre 1926. Il est alors, à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, le plus proche ami de Jean-Paul Sartre dont il partage la « thurne ». L'ennui, le désoeuvrement, le dégoût d'un monde qui sacrifie le désir au confort, la pensée aux honneurs, l'accomplissement de soi à la notoriété, le poussent à fuir la France. Lorsqu'il rentre de voyage, en avril 1927, le brillant normalien détient un terrible secret : la cause de l'asservissement des hommes. Le désoeuvré troque alors son désespoir contre la révolte nue et déclare la guerre à la bassesse, au devoir et à la patrie. Aden Arabie, son premier livre, publié en 1931, raconte cette fuite, ce voyage et cette conversion, c'est-à-dire l'insurrection de l'esprit contre le renoncement et l'hypocrisie. « Il ne faut plus craindre de haïr, il ne faut plus rougir d'être fanatique ils ont failli me perdre. » Tel est le trésor que lègue Paul Nizan aux révoltés des générations futures.

Dans cet essai paru en 1932, P. Nizan s'insurge contre les intellectuels français, en particulier les philosophes qui furent ses maîtres, Henri Bergson et Léon Brunschvicg, les décrivant comme soumis à l'ordre bourgeois.